Bonnes feuilles (5)

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C'est à mes yeux avec « Goya » que le tandem est parfait et que la collection prend son véritable envol. Benjamin Bozonnet au dessin (assisté de deux compères pour les couleurs : Romain Guinard et Tanguy Ferrand) multiplie les registres graphiques : fausses gravures, dessin au trait, envolées de couleurs et cases tracées au pinceau seul (pour donner à voir les œuvres du peintre au milieu des péripéties du récit). La tonalité générale, très sombre, correspond parfaitement à la dépression de l'artiste, à son isolement volontaire et à ses envies de radicalité.

Le récit imaginé par Olivier Bleys, est prenant de la première à la dernière planche. Tout y est réussi : le rythme, avec des passages silencieux, tantôt légers, tantôt éprouvants ; les bruits, grâce à des onomatopées, des aboiements, des jurons, qui scandent les humeurs d'un peintre atteint de surdité ; le drame et la tension enfin, car au-delà de l'anecdote, de la question du pourquoi du tableau, l'essentiel de cet album tient à la réussite de l'ambiance lourde et fascinante – encore dérangeante près de deux siècles plus tard – qui sourd des peintures noires de Goya, dont le magistral « Saturne dévorant l'un de ses fils », peint en 1823. Cet album de BD rend un magnifique hommage tant à l'artiste qu'à son œuvre.

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 par Nicolas Ancion, sur le site https://www.actualitte.com
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